Zoom sur... La Cène

Léonard de Vinci

Détrempe sur plâtre, couvent de Sainte-Marie-des-Grâces à Milan 1495-1498
Originaire d’un village de Toscane, le jeune Léonard est formé dans l’atelier du peintre et sculpteur Andrea del Verrocchio, l’un des meilleurs ateliers de Florence. Cette formation promettait à tout individu doué de devenir un artiste de talent.
Mais Léonard de Vinci n’était pas un simple élève : il possédait un esprit de génie qui lui permit d’intégrer tout le savoir de ses prédécesseurs du Quattrocento pour réaliser le rêve de tout peintre : capter l’âme du modèle pour la représenter.
Sa renommée fut éclatante de son vivant et davantage encore après sa mort, représentant l’incarnation de la Renaissance. Son génie fut complet tant il touchait tous les domaines : l’architecture, la sculpture, les mathématiques, la mécanique, la musique, l’anatomie, la philosophie, la poésie, l’histoire et bien-entendu la peinture.
Au programme

Léonard de Vinci : un Génie du Cinquecento

Naissance d'un artiste savant

Artiste et inventeur prolifique, son esprit de génie suscitait à son époque étonnement et admiration. Il explorait et étudiait le monde visible avec beaucoup de soin, sans se laisser influencer par les analyses des auteurs anciens.
Il s’est notamment lancé dans la dissection de cadavres humains, il a analysé le vol des oiseaux et des insectes avec pour projet l’invention d’un appareil volant, il a étudié le développement des plantes, le mouvement des vagues, la forme des rochers et celle des nuages. Toutes ces recherches furent guidées par la volonté de comprendre le monde visible et représentèrent la base de son art.
Léonard de Vinci ne publia pas ses écrits, peut-être par crainte d’être considéré comme hérétique, mais fort heureusement, ses contemporains prirent soin de conserver ses très nombreux carnets de notes, ses dessins et ses citations.

Léonard, un homme d'ambition

Son ambition n’était pas d’être considéré comme un savant, mais plutôt d’élever l’art de peindre intellectuellement et socialement. À cette époque le peintre était considéré comme un artisan contraint d’effectuer un travail manuel. Cette activité était dépréciée au profit de la grammaire, la rhétorique, l’arithmétique, la géométrie, la musique ou l’astronomie. Léonard cherchait certainement à démontrer que le travail manuel du peintre ne lui est pas plus essentiel qu’au poète. Il voulait que l’on considère l’art de peindre d’un point de vue purement intellectuel.

La Renaissance incarnée par Léonard de Vinci

La Déposition de Croix par Giotto di Bondone, chapelle des Scrovegni à Padoue – 1305

La Bible, antique série à rebondissements !

La révolution picturale est enclenchée par l’artiste Giotto (1267-1337) qui tente de rompre avec la tradition grecque puis byzantine et imprègne ses œuvres de réalisme. Il insuffle les sentiments humains dans sa peinture en réfléchissant à la manière dont se sont vraiment passés les épisodes de la Bible : comment se comporterait un homme dans une situation comme la Descente de croix ? Comment réagirait une mère devant le corps inanimé de son fils ? Il s’efforce de représenter les émotions et créer l’illusion de la profondeur dans ses œuvres pour que le lecteur puisse se représenter l’évènement comme s’il y assistait.
Ce faisant, Giotto ouvrait un nouveau chapitre de l’histoire de l’art : la Renaissance.

Quand l'élève dépasse le Maître

Dans cette fresque, Léonard procède de la même manière : il choisit le moment le plus dramatique de l’épisode biblique, celui ou le Christ annonce la future trahison de l’un de ses convives et dépeint les émotions de chaque apôtre.
Horrifiés par la nouvelle, les apôtres se sont éloignés du Christ, le laissant seul au centre du banquet, illuminé par la fenêtre centrale en arrière-plan. Léonard ne traite pas le sujet comme ses prédécesseurs en plaçant les apôtres de manière régulière autour de la table. Ici le peintre exprime la passion en regroupant les apôtres par trois selon leurs réactions : on proteste, on discute gravement ou bien on observe en attendant une explication.
Le peintre choisit donc d’étudier le profil psychologique de chaque convive : André lève les mains en signe de protestation ; Pierre se penche vers Jean d’un geste véhément ; Jean semble serein assis à la droite du Christ ; Matthieu, dubitatif, se tourne vers ses frères. Quant à Judas, surpris d’être ainsi désigné, il a un mouvement de retrait, serrant dans sa main droite la bourse reçue en échange de sa trahison. Léonard de Vinci est également le premier à représenter Judas parmi les apôtres. D’ordinaire, Judas est placé à l’écart de ses frères pour être clairement identifié.
Ce faisant, Léonard a inventé la figuration du traître en réfléchissant à la manière de représenter quelqu’un qui se cache. Malgré la complexité de sa composition, l’œuvre dégage une harmonie et un équilibre dignes du génie de son auteur.

« Je vous le dis en vérité, l’un de vous me trahira”
Les disciples en furent consternés. Ils se mirent, l’un après l’autre, à lui demander :
“Seigneur, ce n’est pas moi, n’est-ce pas ? »
Matthieu 26, 21-22

La Cène : œuvre religieuse de Léonard de Vinci

La Bible, vous avez apprécié au départ puis dès la saison 2 vous avez décroché ?
On fait le point sur les thèmes abordés dans l’œuvre de Léonard de Vinci :

La Cène, qu’est-ce que c’est exactement ?

Dans la Bible, il s’agit du dernier repas du Christ avec ses douze disciples, la veille de sa crucifixion.
Les quatre Évangiles proposent des récits comparables de cet épisode qui se déroule à Jérusalem. Deux thèmes se succèdent, donnant matière à deux types de représentations : tout d’abord l’annonce par le Christ de la trahison prochaine par l’un de ses apôtres, puis l’institution de l’Eucharistie.

L’Eucharistie, en quoi cela consiste ?

« Et comme ils mangeaient, Jésus, ayant pris du pain et prononcé une bénédiction, le rompit, et le donnant à ses disciples, il dit : Prenez, mangez, ceci est mon corps.
Et ayant pris une coupe, et rendu grâces, il la leur donna, disant : Buvez-en tous ; car ceci est mon sang. »
Matthieu 26, 26-29

Le mot « Eucharistie » signifie « action de grâce » il s’agit d’un sacrement qui, selon la doctrine catholique, contient réellement le corps et le sang du Christ sous les apparences du pain et du vin. Depuis lors, les prêtres perpétuent le sacrifice de la messe tous les jours.

La trahison : que reproche-t-on à Judas ?

« Judas se rendit auprès des chefs des prêtres (les autorités juives) pour leur demander “ si je me charge de vous livrer Jésus, quelle somme me donnerez-vous ?” ils lui versèrent trente pièces d’argent. À partir de ce moment-là, il chercha une occasion favorable pour leur livrer Jésus. »
Marc 14, 10-11

Certaines interprétations estiment aujourd’hui que Judas n’aurait en réalité pas trahi son Maître. En effet, après 3 ans de prédication, Jésus était connu du peuple juif et ne se cachait pas puisque son enseignement était public. À cette époque, le peuple attendait du Messie qu’il soit un chef capable de chasser les Romains d’Israël et de représenter un guide spirituel pour le peuple juif. Jésus n’affirme pas immédiatement qu’il est le Messie et Judas aurait souhaité le confronter aux grands prêtres juifs afin de prouver sa messianité.

La Joconde : une beauté universelle

Difficile d’évoquer Léonard de Vinci sans aborder sa peinture la plus célèbre mais aussi la plus mystérieuse, conservée aujourd’hui au Louvre.

Mona_Lisa,_la_joconde_Leonardo_da_Vinci,_le_petit_billet

Ce portrait est sans doute le plus connu de toute l’histoire de l’art. Il s’agit de la représentation d’une dame florentine nommée Mona Lisa et dont le sourire énigmatique a fait couler tant d’encre !
En réalité Léonard de Vinci cherche à peindre le vivant. Il se démarque pour cela de ses prédécesseurs du Quattrocento qui représentaient leurs personnages comme des êtres figés, à l’image de statues. Mantegna en est le parfait exemple. En cherchant à représenter la nature dans toute sa grandeur et sa force, en respectant trait pour trait ce qu’ils observent, ils en perdent le caractère vivant du sujet.
Léonard de Vinci a trouvé le subterfuge pour insuffler la vie dans sa peinture. Il ne s’agit plus d’utiliser un contour trop ferme ou de forts contrastes dans la lumière et les couleurs.

C’est ce que les Italiens appellent le Sfumato : un contour estompé, des couleurs adoucies qui permettent aux formes de suggérer plus que ce qu’elles ne représentent vraiment, laissant ainsi quelque chose en suspens que le lecteur doit deviner.
C’est pour cela que l’expression même de Mona Lisa reste mystérieuse. L’artiste a travaillé le regard et le sourire pour créer une multitude d’expressions selon que vous regardiez l’œil droit ou gauche. La composition même de l’œuvre est basée sur la dissymétrie de sorte que vous n’ayez jamais le même ressenti selon l’angle devant lequel vous vous positionnez.
Léonard de Vinci utilise ici toute sa virtuosité et c’est sans doute la raison pour laquelle cette œuvre est tant admirée.

Le Sfumato

Il s’agit d’une technique d’estompage des contours qui vient d’une grande tradition expliquée notamment par Pline : la question du contour est la grande subtilité de la peinture. Si le contour est trop visible, il crée une rupture dans l’image or s’il n’est pas visible, la peinture promet même ce qu’elle ne montre pas. Elle a donc un très fort potentiel de suggestion.
L’enjeu est donc de suggérer que l’image est vivantee

La Grâce

Léonard de Vinci est l’un des inventeurs de la grâce. La grâce, c’est l’élégance, la nonchalance, ce qui apparait entre le vu et le non-vu et qui est la qualité même de la vie. Grâce divine, grâce du courtisan, la grâce est aussi l’idéal de beauté esthétique. Léonard élabore un modèle de figure esthétiquement gracieuse en prenant un type de visage déjà mis au point par le Quattrocento et fondé sur la régularité des traits. Il y introduit ensuite de petites irrégularités dans la forme des yeux ou le sourire par exemple. Il obtient la grâce aussi par l’utilisation du sfumato : sa peinture promet ce qu’elle cache.
Bibliographie :
  • E. H. Gombrich, HISTOIRE DE L’ART, éditions Phaidon, 2001
  • Daniel Arasse, Histoires de peintureéditions Denoël, 2004
  • P. De Rynck / J Thompson, Le sens caché de la peinture, éditions Hazan, 2019

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